COVID ou pas COVID, consommer local a le vent en poupe : soutien aux producteurs locaux, Click and Collect, drive de producteurs, tourisme de proximité, … Acheter local, c’est bien mais on peut aller encore plus loin en payant local. Décryptage sur les monnaies locales.
On parle de monnaies locales, complémentaires et citoyennes fédérées au sein du réseau associatif : le MLCC.
Concrètement, c’est une monnaie complémentaire à l’euro qui est utilisée dans un périmètre restreint et clairement défini, pour régler des biens et services proposés par des artisans, producteurs et commerçants adhérents à cette monnaie.
Une unité de monnaie locale vaut un euro, ce qui facilite son utilisation. Le but est de faire circuler la monnaie sur un territoire, de relocaliser et redynamiser l’économie localement. On épargne en euros et on consomme en monnaies locales.
Les monnaies locales sont apparues fin des années 90, début 2000 pour échanger (au sens monétaire) différemment et plus humainement.
On compte aujourd’hui en France, plus de 30 monnaies locales et citoyennes, chacune d’elles ayant plusieurs centaines d’utilisateurs et de professionnels la relayant.
Les principes des monnaies locales ont été traduits dans le manifeste du réseau MLCC :
– Réappropriation de l’usage de la monnaie par le citoyen, pas seulement comme outil mais aussi pour le sens de son usage et de sa nature ;
– La monnaie comme symbole, porteuse de solidarité, d’entraide et de coopération ;
– La monnaie porteuse de valeur éthique, écologique et sociale ;
– La monnaie comme moyen d’échange permettant de créer des mécanismes de solidarité.
Chaque monnaie a sa propre charte et règlement d’usage, généralement validé de manière collaborative et participative. L’utilisation d’une monnaie locale est donc un acte engagé, mais qui laisse de belles perspectives pour les territoires, notamment les destinations touristiques.
Les utilisateurs des monnaies locales valorisent le circuit court de la monnaie et deviennent consom’acteurs.
Concrètement comment ça marche ?
– Rapprochez-vous de l’association gérant la monnaie locale sur votre territoire, vous avez une carte interactive sur le site du MLCC ;
– Adhérez à l’association pour pouvoir utiliser la monnaie et signez leur charte ;
– Echangez vos euros dans un bureau de change, la plupart du temps les monnaies sont sous forme de billet allant d’une unité à 50 ;
– Il n’y a plus qu’à payer avec votre monnaie locale auprès des commerçants relais de la démarche.
Et rassurez-vous, vous trouverez un panel assez large de professionnels qui l’utilisent. Pas uniquement les producteurs au marché. Vous trouverez des spécialistes de la santé ou de la beauté, fleuristes, restaurateurs, artisans, lieux culturels, collectivités, acteurs du tourisme, …
Payer en monnaie locale vous garantit que l’argent reste sur le territoire. On parle bien ici d’économie circulaire de l’argent.
1- L’humain. Vous devenez en effet acteur d’un réseau local et intégrez une communauté qui partage des valeurs solidaires. La monnaie locale c’est avant tout des échanges entre citoyens.
2- L’économie. Vous soutenez les retombées économiques locales jusque dans votre porte-monnaie et vous contribuez au maintien de l’emploi sur un territoire par une consommation localisée. Vos échanges et transactions ont du sens et l’argent reste sur le territoire (pas de spéculation financière)
3- L’environnement et le territoire. Consommer local c’est réduire son impact écologique.
4- L’intérêt général. Vous soutenez vos acteurs locaux et valorisez les différentes offres et services de votre territoire. L’invitation à consommer locale comme utilité publique.
5- L’expérientiel. Vous amenez du ludisme à la consommation locale en lui donnant du sens et en faisant parler l’imaginaire collectif (la rencontre, la matérialité des billets, le côté chasse aux trésors pour trouver des acteurs relais des monnaies locales).
1.L’Eusko
La monnaie la plus connue et identitaire, c’est l’Eusko, la monnaie basque. C’est la première monnaie alternative d’Europe avec plus d’un million d’Eusko en circulation en 2019. Plus de 3000 adhérents particuliers, plus de 800 professionnels dans le réseau, on est sur une véritable success story. Les collectivités basques s’y mettent et certaines communes payent leurs fournisseurs et agents en Eusko. Ce succès tient surement aux valeurs prônées par l’Eusko et le soutien à l’économie locale des habitants du Pays Basque. Les touristes et visiteurs y ont facilement accès grâce à la multiplication des bureaux de change et le relai fait par les offices de tourisme. L’Eusko est beaucoup utilisé dans les évènements et fêtes locales valorisant d’autant plus la culture basque. Et afin de faciliter son utilisation, le réseau « Euskal Moneta » a créé l’application « Eusko Pay » pour un paiement dématérialisé en ligne.
2. La Doume
C’est la monnaie puydomoise (Auvergne), avec plus de 1000 utilisateurs et 400 professionnels et 60 comptoirs de change à l’échelle du département. Ils ont créé la e-doume, facile d’utilisation pour les consommateurs n’ayant pas forcément du liquide sur eux. Le réseau travaille sur la création d’un jeu de société et de sensibilisation à l’économie locale, Doume en poche, sorte de Monopoly anti-néolibéral, où la spéculation vous fera perdre, les règles du jeu vous invitent à soutenir les projets locaux et devenir un super « consom’acteur ».
3. L’Ostrea
Monnaie du Bassin d’Arcachon et nord Landes gérée par l’association des Amis de l’Ostrea, s’est rapidement rapprochée des acteurs touristiques en proposant notamment une chasse aux trésors chez les commerçants faisant partie du réseau. Certains offices de tourisme sont comptoirs de change et valorisent la démarche en invitant les visiteurs à découvrir autrement et de manière très ludique le Bassin, grâce à l’Ostrea. Le réseau est conventionné depuis peu avec la MIEL, monnaie complémentaire bordelaise et sud-girondine. Plus besoin de changer systématiquement vos billets, vous pouvez utiliser l’une ou l’autre monnaie sur les 2 territoires.
Il existe beaucoup d’autres exemples de monnaies locales utilisées dans le tourisme.
Avant de se lancer, pensez aux usagers. Si l’utilisation d’une monnaie locale devient le parcours du combattant ça peut vite devenir compliqué pour tout le monde. La méthode EAST utilisée en marketing incitatif peut être utile. EAST pour : easy, attractive, social, timely :
– Simplifiez l’accès, l’utilisation et la communication sur votre monnaie locale ;
– Rendez-la funky, gamifiez-la, faites que ça devienne une expérience pour les visiteurs ;
– Rappelez les valeurs portées par cette monnaie ;
– Valorisez le bénéfice à court terme pour les visiteurs : « c’est ici et maintenant ».